Vue d’ensemble sur les douze lieux

Par Danièle JAY

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Les 12 lieux-Domifications-Danièle JAY-2
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1) Leur élaboration

 

      Les douze « lieux » ne sont autres que les douze maisons de la sphère locale (du grec topoï, secteurs), celles-ci venant ajouter leurs spécificités propres à chacun des douze signes du zodiaque. Mais comment ces maisons sont-elles obtenues ? Par quel partage ? Les techniques sont nombreuses. Nous n’en choisirons que quelques-unes ; le ciel de Guillaume Apollinaire (1) nous servira à montrer, tour à tour, telle ou telle maison, et à nous en faire savourer les étrangetés ou les trésors, selon l’entendement de chacun.

 

      Parmi les plus anciens systèmes de domification de la période hellénistique, il semble que se pratiquaient principalement les « maisons zodiacales »(2) (Whole Sign Houses).

Avec ce système, est considéré comme « maison I » le signe zodiacal dans lequel se trouve le degré qui se lève (AS), la totalité de ce signe devenant ainsi la maison I.

 

(1) Apollinaire, 26 août 1881, Rome, 4 h 44 mn (3 h 54 mn TU.). 

(2) Travaux de Robert Schmidt et de Robert Hand au sein du « Project Hindsight », dans les années 1990.

      Dans ce thème, par exemple, l’AS est à 25°32’ Lion. Arrondissons à 26°.

Selon la technique des  maisons zodiacales, c’est le signe du Lion tout entier qui devient la maison I, du 0° Lion au 30° Lion, le 0° Lion devenant la cuspide de la maison. Voici qui déjoue toute logique, puisque Mercure se trouve alors au milieu de la maison I, et non pas en maison XII, et le Soleil en maison II, non pas en maison I, comme l’on pourrait s’y attendre au vu de la figure. La cuspide de la maison I étant à 0° Lion, les autres cuspides commencent toutes au degré zéro de leur signe, comme il est indiqué sur la carte. Ainsi, toute la Vierge est la maison II, toute la Balance la maison III, etc. Les maisons sont toutes égales.

 

      Ce système peut paraître bizarre ; n’occasionne-t-il pas une fâcheuse confusion entre « signe » et « maison » ?

 

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      Mais voici, dans le thème d’Apollinaire, un autre système de domification, qui pourrait peut-être remonter à la période de Pétosiris (1er siècle avant J.C), celui des « maisons égales » : l’AS à 26° Lion est la cuspide de la maison I, et se projette sur les 30° suivants, créant ainsi la maison I, de 26° Lion à 26° Vierge, puis la maison II de 26° Vierge à 26° Balance, etc. Selon ce système, la maison I contient alors trois astres, le Soleil, Vénus et Mars. Quant au MC, à 18° Taureau, contrairement à toute attente, il se trouve curieusement en maison IX, laquelle s’étend de 26° Bélier à 26° Taureau. Chaque maison contient ainsi, de façon parfaitement égale, trente degrés d’écliptique.

      Vettius Valens (IIe siècle ap. J.C.), très prolixe, se serait-il appuyé, de temps à autre, sur ce système ? Ptolémée (IIe siècle ap. J.C.) aurait-il lui aussi utilisé ce système de maisons égales de 30° ? En fait, le Prince des astrologues semble avoir très peu parlé des maisons, privilégiant l’étude des planètes, de leur nature, de leur position, de leurs configurations. 

      

      Toutefois, pour trouver la planète qui tient le gouvernement de la vie, comme le fait aussi l’AS, il faut prendre en considération les lieux aphétiques, « …à partir des cinq degrés (3) qui se sont levés avant l’Ascendant jusqu’aux 25° suivants ; les 30° placés en sextile droit (4), lieu du Bon Génie ; les 30° placés en carré, lieu de la culmination supérieure ; les 30° placés en trigone, lieu appelé Dieu ; et les 30° en opposition, lieu du Descendant » (Tetrabiblos, III, 11, traduction de Giuseppe Bezza).

Nous avons donc des maisons de 30° d’ascension droite, obtenues par la trisection du  mouvement diurne. 

 

(3) Il s’agit de 5° d’équateur, correspondant à 0,333 heures c’est-à-dire 1/6 de maison.

(4) Nous sommes dans le mouvement diurne, comme l’affirme Pascal Charvet dans sa note 237 p. 151 de la Tetrabible, Livre III, chapitre 11.

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      Puis, dans le thème ci-dessous, « Porphyre »(IIIe siècle ap. J.C., 234-305) adopte un autre système, chaque quadrant étant trisecté sur l’écliptique en trois parties égales. Ainsi, dans le thème d’Apollinaire, les premier et troisième quadrants (AS-MC, DS-FC) contiennent 98° (146°- 48°), qui seront trisectés en trois maisons égales de 32°66’ (98° : 3). Les deuxième et quatrième quadrants (MC-DS, FC-AS) contiennent 82° (228°-146°), qui seront trisectés en trois maisons égales de 27°33’ (82° : 3).

Nous avons ainsi des maisons égales dans des portions inégales d’écliptique : trois maisons de 32° pour les première et troisième quartes, trois maisons de 27° pour les deuxième et quatrième quartes. 

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      Rhetorius (VIe – VIIe siècle), quant à lui, utilise un système temporel, tout comme « Alcabitius » (Xe siècle), système qui connut une grande diffusion auprès des astrologues de l’époque. Ce système consiste à trisecter en trois parties égales le temps mis par l’AS, dans le mouvement diurne, pour rejoindre le MC. La méthode fut néanmoins critiquée par Ibn Ezra, qui lui reprochera la tripartition horaire du semi-arc du seul AS. 

   

      Voici le thème d’Apollinaire présenté avec ce système :

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      Vient ensuite « Campanus » (XIIIe siècle, 1233-1296), qui reprend Al Biruni (Xe siècle). Il s’agit de trisecter chacun des quatre quadrants en trois parties égales de 30°, et de le faire non pas sur l’écliptique, mais sur le grand cercle appelé premier vertical (5). Le problème de cette domification réside dans l’impossibilité de monter des thèmes pour des latitudes géographiques élevées, la totalité de l’Ecosse et du Danemark ayant par exemple pour latitude environ 55°Nord, Saint-Petersbourg environ 60°Nord. Comme le remarque R.W.Holden, « un thème monté par Campanus, érigé pour ces latitudes, va engendrer des inégalités évidentes et accablantes dans les dimensions écliptiques des maisons… ».

 

 (5 )Le premier vertical est le grand cercle contenant l’axe Zénith/Nadir et passant à la perpendiculaire de l’horizon, au point Est ou Ouest. 

 

      Voici le thème d’Apollinaire érigé avec la méthode Campanus :

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      Puis, encore une autre méthode, celle de Johann Muller, plus connu sous le nom de  « Regiomontanus » (1436-1476), lequel utilise un autre type spatial : au lieu de trisecter en trois parties égales le grand cercle appelé premier vertical (6), comme le fait Campanus, il trisecte l’équateur céleste. Cette méthode rencontra un grand succès à partir du XVIe siècle. Un astrologue de l’envergure de William Lilly, par exemple, montait ses thèmes avec la technique de Regiomontanus.

 

(6) Le premier vertical est le grand cercle contenant l’axe Zénith/Nadir et passant à la perpendiculaire de l’horizon, au point cardinal Est ou Ouest.

 

            Voici le thème d’Apollinaire établi selon cette méthode :

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         Mais voici, en dernière analyse, la méthode temporelle du moine « Placide » (1603-1668), qui reprend, en l’améliorant, celle d’Alcabitius que nous avons déjà abordée. La méthode placidienne est identique à celle d’Ibn Ezra (XIIIe siècle) et à celle de Girolamo Diedo, disciple de Placide : il s’agit de trisecter, en trois parties égales de deux heures temporelles chacune, le temps de mouvement diurne mis par chacune des cuspides pour rejoindre le MC.

La distance entre la cuspide de XI et le méridien vaut 2 heures temporelles, celle entre la cuspide de XI et l’AS 4 heures temporelles. La distance entre la cuspide de XII et le méridien vaut 4 heures temporelles, celle entre la cuspide de XII et l’AS 2 heures temporelles, le calcul étant établi selon les heures temporelles propres à chacune des cuspides, alors que le seul AS était concerné selon la méthode d’Alcabitius.

Ainsi, Placide reste fidèle à Ptolémée. « Il n‘y a aujourd’hui aucun doute que Ptolémée utilisait la domification (qui sera nommée) placidienne » (Jean Hiéroz ).

 

      On peut ne pas pouvoir domifier un thème ; c’est le cas ici au-delà de 66°33’, lorsque certains points de l’écliptique ne se lèvent pas, (ou d’autres ne se couchent pas). Sans semi-arc diurne (ou nocturne), impossible d’effectuer une trisection !

 

      Ci-dessous le thème d’Apollinaire monté selon la méthode temporelle de Placide. N’est-elle pas la plus naturelle, la plus conforme au mouvement de la sphère ?

 

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 2) Leur signification

 

      Mais que signifient ces maisons ? Là où les signes du zodiaque représentent tous un espace identique de 30°, les maisons voient leur amplitude et leur force se modifier à mesure qu’elles recueillent les influx provenant des corps célestes, selon leur position dans le mouvement diurne et dans la sphère locale, celle-ci se disposant à faire advenir les événements de la vie terrestre.

 

      Ainsi, les maisons angulaires sont assurément les plus puissantes de toutes ; elles consolident leurs promesses et accordent des événements certains aux astres qui se trouvent dans leurs lieux, ceci pendant le premier tiers de la vie. Elles attribuent également de la force aux astres qui se dirigent, dans le mouvement diurne, vers les angles de la sphère, ou aux astres qui font des aspects à l’AS, ou même à ceux qui se trouvent au-dessus de l’horizon, lieu de lumière. Les maisons succédentes (ou intermédiaires) promettent encore des événements qui surviendront pendant l’âge mûr. Les maisons cadentes (où déclinantes), faibles, confrontés à la vieillesse, abandonnent les événements promis. Les lieux sans aspect à l’AS sont paresseux, inertes, inactifs, lents à agir ; ils n’ont pas la force de réaliser leurs promesses, comme s’ils s’étaient cachés. 

 

      L’analogie entre maisons et signes ne repose sur aucun fondement.

 

En revanche, cette analogie existe bel et bien entre maisons et planètes, ces dernières se présentant selon l’ordre chaldéen, depuis l’astre le plus haut jusqu’à l’astre le plus bas. Ainsi, comme le dit Ibn Ezra :

« à mon avis, les Anciens ont désigné Saturne comme étant l’astre qui représente la première maison, le corps et la rate lui appartenant, car ils possèdent une vertu de rétention, tout comme le système osseux, fondement du corps. Jupiter exprime la deuxième maison, puisqu’il représente les avoirs. Mars signifie la troisième maison, qui est le cheminement. Le Soleil, le père ; il est comme la quatrième maison. Vénus, les délices, parce qu’ils sont comme la cinquième maison. Mercure, les serviteurs, qui sont comme la sixième maison. La Lune, la femme, étant comme la septième maison. Quant à la huitième maison, elle exprime à nouveau Saturne, qui manifeste la mort… Jupiter, qui signifie la science et la foi, est comme la neuvième maison. Quant à Mars, qui exprime le pouvoir, il est comme la dixième maison. Et le Soleil signifie la grâce et la faveur, il est comme la onzième. Vénus, la douzième, personnifie la discorde et la bassesse, qui est la fin de tous les délices » (Ibn Ezra, in Arcana Mundi p. 218 ).   

 

      Une autre analogie se fait entre maisons et planètes, plus restreinte, mais tout aussi efficace, sinon plus, le lieu des Joies. La Joie est une dignité qui ne se prend pas par le signe zodiacal d’un astre, mais par la maison que la planète occupe.

- Ainsi, les astres diurnes ont leur Joie au-dessus de l’horizon, dans la lumière du jour, le Soleil en maison IX, Jupiter en maison XI, Saturne en maison XII : il existe un rapport harmonieux entre la planète et la maison, conforme à l’haïresis.

- Les astres nocturnes ont leur Joie au-dessous de l’horizon, dans la lumière de la nuit, la Lune en III, Vénus en V, Mars en Six : il existe un rapport harmonieux entre la planète et la maison, conforme à l’haïresis. Mercure, tantôt diurne, tantôt nocturne, a sa Joie en maison I, à l’horoscope. Nous pouvons ainsi qualifier la maison IX, Joie du Soleil, ou la maison III, Joie de la Lune, etc. 

 

      Voici l’une des listes de maisons dont les principales significations ont été anciennement dénommées

comme suit :

La I : Horoscope, Joie de Mercure ;

La II : Porte de l’enfer (aucune relation avec l’AS) ;

La III : Déesse, Joie de la Lune ;

La IV : Culmination inférieure ;

La V : Bonne fortune, Joie de Vénus ;

La VI : Mauvaise fortune, Joie de Mars ;

La VII : Coucher ;

La VIII : Piger locus (aucune relation avec l’AS) ;

La IX : Dieu, Joie du Soleil ;

La X : Culmination ;

La XI : Bon Génie, Joie de Jupiter ;

La XII : Mauvais Génie, Joie de Saturne.

      (Giuseppe Bezza, Cahiers astrologiques, 1983) 

 

 © Danièle Jay, 22 février 2021          

 

 

Bibliographie

- Bezza, Giuseppe, Arcana Mundi, Biblioteca Universale Rizzoli, Milano, 1995.

- Bezza, Giuseppe, Cahiers Astrologiques, Paris, 1983.

- Bezza, Giuseppe, Corso d’Astrologia Classica, Milano, 1999.

- Brennan, Chris, Hellenistic Astrology, the Study of Fate and Fortune, Amor Fati Publications, February 2017.

- Fumagali, Marco, Corso d’Astrologia Classica, Milano, 1999.

- Hand, Robert, Whole Sign Houses, Arhat Publications, 2000.

- Hiéroz, Jean, L’Astrologie selon J.B. Morin de Villefranche, Editions Traditionnelles, Paris, Réimpression, 1999.

- Holden, Ralph William, The Elements of House Division, L.N.Fowler & CO, 1977.

- Ibn Ezra, The Book of Reasons, trans. Meira Epstein, Berkeley Springs, Golden Hind Press, 1994.

- Jay, Danièle, Le Ciel en mouvement, Sep Hermès, Paris, 2006, 2010.