Dignités et Honneurs - Par Danièle Jay

 

« Les dignités[1] se tirent des deux luminaires et des planètes qui les environnent »

(Tetrabiblos IV, 3, traduction de Nicolas Bourdin).

 

Dans le chapitre XXVI de son ouvrage Astrologiae Methodus (1570), l’astrologue Gargaeus mentionne à son tour les significateurs essentiels que l’on utilise pour juger des dignités et des honneurs promis aux natifs :

 

Le luminaire et ses porte-lances[2] ;

Les implications du Mi-Ciel ;

Les Etoiles royales.

 

1)         La doriphorie : le luminaire et ses porte-lances

 

Selon le glossaire établi par « Cielo e Terra », la doriphorie est une figure particulière formée par un astre (le porte-lance) vis-à-vis d’un autre (généralement le Soleil, ou la Lune). Par l’astre qui accomplit la doriphorie (le porte-lance) et par celui qui la reçoit (le luminaire), on tire des jugements ayant trait principalement aux parents, à la chance, aux honneurs et à la réussite du natif.

 

Il existe plusieurs formes de doriphorie, mais la plus efficace, la plus magistrale, revient à l’astre supérieur qui observe le luminaire par trigone, chacun d’eux devant respecter les principes les plus importants de la tradition astrologique : la dignité, la phase (orientale au Soleil, ou occidentale à la Lune), le mouvement, la configuration, le lieu, l’haïresis du luminaire, la suréminence, comme par exemple lorsque, dans une nativité diurne, le Soleil en Cancer est observé par Jupiter en Poissons, au-dessus de l’horizon et dans un lieu puissant (traduction de Lucia Bellizia).

 

Nous pouvons observer cette figure dans le thème de Victoria[3], reine d’Angleterre, figure à laquelle il ne manqua qu’une dignité zodiacale pour être qualifiée de doriphorie parfaite : le Soleil pérégrin en Gémeaux est observé par Jupiter pérégrin en Verseau, par trigone. Heureusement, angulaire à l’horoscope, le Soleil accordera d’importantes dignités à la reine. Conjoint à la Lune et à la part de fortune, l’astre du jour fera régner son haïresis diurne.

 

Lui aussi angulaire, et en X, Jupiter, planète bénéfique, occupe, tout comme le Soleil, un signe masculin. « Si les luminaires sont en signe masculin, les deux ou un seul dans les Angles, cinq astres leur faisant cortège[4], les dignités accordées au natif seront remarquables, en particulier si les astres du cortège sont orientaux au Soleil (ou occidentaux à la Lune), il naîtra des princes souverains » (Ptolémée). Ou encore, « si le Soleil est en signe masculin, la Lune en signe féminin, l’un des deux luminaires étant angulaire, le né aura l’autorité et la puissance de vie et de mort sur les autres hommes » (Ptolémée, traduction de Nicolas Bourdin). Dans le thème de Victoria, la phase de Jupiter est orientale au Soleil. Son mouvement direct, sa maîtrise de Vénus par terme, sa réception mutuelle avec Saturne, son sextile au nœud Nord, ne font que multiplier les honneurs. Enfin le trigone Soleil-Jupiter, qui respecte l’haïresis du Soleil, affirme la suréminence de Jupiter, le tout se déroulant au-dessus de l’horizon, promettant ainsi de prestigieux honneurs.

 

Voici ce thème de Victoria :

 



[1] Il sera question ici, tantôt des dignités planétaires, tantôt des dignités dues aux personnes. Le contexte fera comprendre de quelles dignités il s’agit.

[2] Le garde (doruphoros) ou porte-lances est un « garde armé faisant partie de la suite d’un prince » (Rhetorius), pour le protéger et l’honorer. Le garde et le luminaire forment ainsi une doriphorie. Lorsque le garde est bénéfique, ou lorsqu’il appartient à la même famille que celle du luminaire, il annonce de grands honneurs et de belles dignités.

[3] Victoria, reine d’Angleterre, 24 mai 1819, Londres, 4 h 15 mn (4 h 16 mn T.U.).

[4] Dans le thème de Victoria reine du Royaume-Uni, n’est-il pas possible de considérer Mercure matutin et Saturne oriental comme faisant partie des « cinq astres leur faisant cortège » ?  

Parmi les nombreuses distinctions publiques obtenues par la reine, en voici quelques-unes des plus prodigieuses : couronnement 28 juin 1838 ; reine du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande, du 20 juin 1837 à sa mort ; reine du Canada du 1er juillet à sa mort ; impératrice des Indes le 1er mai 1876 ; reine d’Australie le 1er janvier 1901. Jubilés d’Or (1887) et de Diamant (1897), qui donnèrent lieu à de multiples célébrations populaires. En France, la Grande Croix de la Légion d’honneur, le 5 septembre 1843. En Russie, la Grande Croix de Sainte Catherine, le 26 juin 1837.

 

Une autre nativité nous gratifie d’une belle doriphorie, toutefois moins forte que celle de Victoria. Vous connaissez bien cette personne, qui a maintes fois défrayé la chronique, à qui les dignités n’ont pas manqué, à juste titre. Première apparition à la Télévision en 1989, son anniversaire étant régulièrement célébré, sa longévité louée. Inscrite à l’ordre du Guiness des records, vous l’avez compris, il s’agit de Jeanne Calment[1], honorée dans le monde entier !

 



[1] Jeanne Calment, 21 février 1875, Arles, 7 h (5 h 41 mn T.U.).

Le Soleil pérégrin en Poissons est observé par Jupiter pérégrin en Scorpion. Heureusement angulaire à l’horoscope, le Soleil reçoit le trigone de Jupiter, affaibli par son lieu succédent, émanant de la maison VIII, fidèle toutefois à l’Haïresis diurne. Jupiter, bénéfique, occupe un signe féminin, par mouvement rétrograde. Maître du Soleil, dans sa phase orientale, l’astre respecte l’haïresis du Soleil, sa réception mutuelle avec Mars, le trigone presque parfait qu’il lance vers le Soleil en suréminence au-dessus de l’horizon. La doriphorie serait-elle, de concert avec la syzygie[1], un élément de longévité ?

 

Mais les conditions générales ne sont pas toujours des meilleures. Si dans un thème les luminaires ne sont pas angulaires, tandis que la plupart des gardes le sont, les natifs n’atteindront pas les honneurs les plus élevés, mais des avancements de carrière modérés. « Le né aura néanmoins la bienveillance de ses concitoyens et quelque avantage médiocre parmi ses semblables. ». Si les gardes ne sont pas, eux non plus, dans les Angles, le natif « demeurera sans éclat » et ne pourra accéder aux charges les plus hautes (Ptolémée, traduction de N. Bourdin).

 

Si le Soleil est privé d’escorte, s’il est encadré par des planètes maléfiques ou par une escorte de faction opposée, comme par exemple quand Mars se lève après le Soleil, ou Saturne après la Lune, les dignités seront médiocres, instables, ou nulles, surtout si l’escorte est occidentale.

 

Les jugements se prennent des astres les plus puissants qui encerclent le Soleil ou qui l’aspectent partilement. Par conséquent, s’ils sont bénéfiques, et en même temps puissants, la qualité des honneurs ne cessera pas de croître avec une facilité certaine. Quand ils ont une influence médiocre, ils indiquent des honneurs peu à peu croissants et durables, mais accomplis avec une difficulté certaine. S’ils sont faibles, les dignités dureront un certain temps avant d’être progressivement réduites, sans pour autant toutes disparaître.

 

Là où Saturne et Mars encerclent le Soleil ou l’aspectent partilement, et s’ils se trouvent en position favorable, ils indiquent des honneurs durables, mais avec beaucoup de difficultés et de périls. S’ils sont faibles, les honneurs disparaîtront de façon imprévue (Gargaeus).

  

1)         L’implication du Mi-Ciel

 

Les gardes bénéfiques dans le Xème lieu accordent des honneurs remarquables, tandis que les maléfiques les refusent. Le maître de l’horoscope au Mi-Ciel, ou le maître du Mi-Ciel à l’horoscope, confèrent de grands honneurs (Gargaeus). C’est le cas prestigieux de Simone Veil[2], dont le maître du Mi-Ciel, Vénus, bénéfique de surcroît, se trouve à l’horoscope, au trigone de la Lune.

 



[1] Voir les articles très intéressants que Danielle Baudu-Philippe a consacrés à Jeanne Calment.

[2] Simone Veil, 13 juillet 1927, Nice, 8 h 15 mn  (7 h 15 mn T.U.).

 Déportée à dix-sept ans à Auschwitz (Algol au Mi-Ciel), en mars 1944, Simone Veil est élue à l’Académie Française en 2008. Ministre de la Santé en 1974, elle est élue présidente du Parlement européen en 1979. Elle est la cinquième femme à entrer au Panthéon le premier juillet 2018, en hommage de la nation.

 

Si les gardes se trouvent dans des lieux succédents, ils confèreront des dignités médiocres. Dans la VIII et dans les maisons cadentes, ils ne confèreront aucun honneur, ou très peu. Si plusieurs gardes entourent les luminaires ou s’ils font avec eux des aspects partiles, il faut retenir le plus puissant de tous en vertu de sa dignité essentielle, c’est-à-dire en vertu de son domicile ou de son exaltation. Si les gardes se trouvent à la fois dans leur propre domicile et dans un Angle, l’effet n’en sera que plus évident (Gargaeus).

 

Si les gardes ne sont pas angulaires, ou s’ils n’aspectent pas le Mi-Ciel, les natifs bénéficieront de quelques dignités, « mais seulement de celles qui lui donneront quelque prééminence, comme être juge subalterne, ou lieutenant, et non pas commandant-en-chef des armées » (Ptolémée).

 

Si les gardes sont angulaires, comme par exemple en I, en X, en VII, en IV, et s’ils sont configurés au M.C. par un heureux aspect, ils « donneront à celui qui est ainsi né une puissance merveilleuse et l’Empire du monde » (Ptolémée).

 

Si les luminaires ne sont pas angulaires, tandis que la plupart des gardes de l’escorte sont dans un Angle ou configurés avec eux, les natifs n’atteindront pas les honneurs les plus élevés, mais des avancements de carrière modérés. « Le né aura néanmoins la bienveillance de ses concitoyens et quelque avantage médiocre parmi ses semblables ». Si les gardes ne sont pas, eux non plus, dans les Angles, le natif « demeurera sans éclat » et ne pourra accéder aux charges les plus hautes » (Ptolémée).

 

La qualité des dignités dépend de la nature des gardes. Quand il entoure ou aspecte les luminaires, étant alors plus puissant que les autres, Saturne accroît l’autorité du natif par le moyen des héritages, du patrimoine, des personnes âgées. Jupiter et Vénus l’augmentent par la faveur, l’honnêteté, la justice. Mars, par les expéditions militaires, par la conduite de l’armée, par les victoires. Mercure, par l’esprit, le savoir, la science (Gargaeus).

 

Si le Soleil est encadré par des planètes maléfiques ou par une escorte de faction opposée, comme par exemple quand Mars se lève après le Soleil, ou Saturne après la Lune, les dignités seront médiocres, instables, ou nulles, surtout si l’escorte est occidentale.

 

Si les luminaires sont privés de gardes, ou si aucun d’eux ne leur fait d’aspect partile, il faut considérer la planète qui se trouve dans le Xème lieu. Si, en dernière analyse, personne n’occupe le Xème lieu, il faut alors recourir au maître du Mi-Ciel pour émettre un jugement concernant les dignités et les honneurs.

 

1)         Les étoiles royales

 

Conjointes aux significateurs dans la limite des cinq degrés avant et après eux, de première ou seconde magnitude, et en proximité avec l’écliptique, les étoiles royales [1] accorderont les plus grands honneurs et les plus éminentes dignités. Les étoiles royales indiquées par Gargaeus sont les suivantes :

 

Regulus ou Cor Leonis à 23° du Lion ;

L’Occhcio del Toro à environ 4° des Gémeaux ;

Ercole ou la Teste del Gemello (Pollux, ou Hercule) à environ 18°du Cancer ;

Spica della Vergine à environ 18° de la Balance ;

Lanx Australis[2] (Zubenelgenubi) à 9° du Scorpion ;

Lanx Borealior[3] à 11° du Scorpion ;

Cor Scorpionis (Antarès) à environ 4° du Sagittaire.

 

Par ailleurs, Sirius et Procyon, conjoints au Soleil lorsqu’il se lève ou lorsqu’il culmine, donneront la plus grande autorité. Regulus à l’horoscope, comme c’est le cas chez Simone Veil, ou culminant avec le Soleil, promet un accroissement de dignité, Procyon étant dans ce thème conjoint à Mercure. En règle générale, les étoiles royales conjointes aux luminaires ou aux bénéfiques concèderont  « la plus grande dignité et une éminence splendide » (Gargaeus).

(c) Danièle Jay, 3 avril 2021 

 

 

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[1] Les étoiles fixes sont ici  utilisées en longitude.

[2] Lanx Australis, Zubenelgenubi, de la nature de Jupiter/ Mars, correspond au Plateau  méridional de la Balance. C’est la deuxième étoile la plus lumineuse de la Constellation de la Balance.

[3] Lanx Borealis, Zubeneschamali, de la nature de Jupiter/ Mercure, correspond au Plateau septentrional de la Constellation. C’est l’étoile la plus lumineuse de la Constellation de la Balance.